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Nicolas Jolivot
20 avril 2020

VOYAGES DANS MON JARDIN (8)

clos

 

1904

Le jardin des lingères

Pendant vingt-cinq ans, la maison fut louée. Puis, ricochet de l'histoire, comme en 1869, la sœur du propriétaire et unique héritière décida de vendre. Un certain Monsieur Duveau l'acheta puis s'en sépara à son tour six ans plus tard. Un couple se montra fort intéressé : Monsieur Jean était militaire, adjudant maître d'arme en garnison à Dijon où il résidait, et originaire de la région Bourguignonne. Madame Eugénie, elle, était native d'un village proche de la maison. J'imagine qu'ils se sont rencontrés quand monsieur Jean était en garnison dans la ville proche qui accueillait depuis un siècle une école militaire de Cavalerie puisqu'ils se marièrent localement en 1883. J'imagine aussi que madame Eugénie n'avait pas l'intention de suivre son mari de garnison en garnison et qu'elle souhaitait rester avec leurs deux filles à proximité de sa famille. En 1904, l'épouse était entièrement dépendante administrativement de son mari, c'est pourquoi, le 27 septembre de cette même année, Monsieur Jean n'ayant pu se déplacer depuis Dijon, le père de Madame Eugénie accompagna celle-ci devant Maître Lelièvre et lui remit par procuration de l'époux "en bonne espèce de monnaie ayant cours" la somme de six mille deux cent cinquante francs pour l'acquisition de la maison et de son clos. Une transaction de main d'homme à main d'homme.

 

clos2

 

Monsieur Jean n'aura pas le temps de profiter de la maison, il décéda prématurément deux ans plus tard. Madame Eugénie, veuve à 41 ans, et mesdemoiselles Suzanne et Baptistine, ses deux filles âgées de 15 et 20 ans, vécurent désormais uniquement de leurs mains de femmes en les plongeant dans le linge sale des autres. Elles étaient blanchisseuses et repasseuses, elles utilisaient la loge de vigne pour faire les buées, le puits, sa pompe récente et ses bassins pour battre le linge. Elles allaient peut-être aussi au bord de la rivière avec les autres lavandières. Depuis ce jour, à la suite des hasards et des nécessités de la vie, la maison et son jardin sont restés dans la même famille, la mienne.

Dans la maison, le seul souvenir actuel et matériel de Monsieur Jean est une statuette d'escrimeur, mutilée après une chute fatale dans l'escalier. / 1919 : Le trio des lingères devant la pompe à eau du jardin : Madame Eugénie au centre, Suzanne à gauche plus délurée que sa sœur Baptistine qui est toujours en arrière plan et près de sa mère sur les photos. / Intérieur d'une boîte de pastilles de bleu Robelin pour l'azurage du linge, boîte qui, par je ne sais quel miracle, est toujours restée dans la cave. / Les seaux et les bassines de l'époque pesaient lourd, même en zinc. Par contre, ils étaient faits pour durer ! Il en reste encore deux dans le jardin.

 

avril1

 

Avril 

 Corête du Japon (Kerria japonica variété pleniflora) à fleurs doubles. Tino, le merle.

 

merle2

 

5 avril

Depuis plusieurs jours, un merle sautille sans cesse dans la cour et dans le jardin, se poste sur les murets ou sur les branches. Il occupe le terrain au point de me laisser m'approcher de lui, mais pas à moins de deux mètres. Il surveille les lieux. Pendant ce temps, madame merlette gratouille la terre, transporte avec son bec moins coloré que celui de son mâle de gros paquets de mousse jusqu'à l'intérieur de la cabane abandonnée. C'est elle qui construit son nid, sans une seconde de répit. De temps en temps, monsieur vient voir l'avancement des travaux puis s'efface dès le retour de sa belle qui bat des ailes comme jamais pour porter un tiers de son poids en brindilles. Il retourne à ses postes d'observation, veillant déjà à ce que d'autres merles ne viennent pas charmer ou distraire madame pendant les travaux.

Chèvrefeuille des jardins (Lonicera) /  Araignée courge (Araniella cucurbitina) : cette araignée vient de quitter sa couleur grise de l'hiver pour un vert clair lumineux mieux adapté au printemps, et ici aux feuilles du pommier Reine des reinettes. / Tino le merle aime bien manger les petits vers et les baies de lierre et de Chalef de Ebbing. / Papillon Azuré des nerpruns sur un pédoncule de tulipe qui a perdu ses pétales. / Ancolies des jardins (aquilegia vulgaris).

 

 

 

 

 

 

 

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